Rencontres

14 août 2012 par Fred

Nous vivons une aventure formidable mais, soit le milieu a bien changé depuis vingt ans, soit l’ambiance en Méditerranée n’a rien à voir avec celle de Bretagne… Toujours est-il qu’il est bien rare de rencontrer des plaisanciers ne serait-ce qu’un peu courtois. Et c’est maintenant un grand bonheur lorsque, simplement, on daigne répondre à notre salut. Toutefois, les jours se suivent et ne se ressemblent pas et ces derniers temps furent riches en rencontres, bonnes ou mauvaises…

Les suisses

30/07/2012. Du vent fort est annoncé et la houle commence à atteindre la zone de mouillage autorisé devant la plage de Calvi. Nous décidons donc de partir nous abriter au fond de la baie de la Revellata. Sur place, je dois composer entre la posidonie, les écueils et les bateaux déjà présents… Je choisis de me placer devant un Feeling 1090 battant pavillon Suisse. Une fois l’ancre jetée, nous nous apercevons que nous avons positionné le bateau sur leur ancre…

Ce n’est en rien inhabituel dans les mouillages un peu encombrés. Même si on l’évite au moment de jeter l’ancre, une rotation du vent peut très bien positionner le bateau sur l’ancre d’un voisin… Néanmoins, Christelle se met à l’eau et s’en va gentiment prévenir nos voisins que, bien entendu, nous nous déplacerons dès qu’ils souhaiteront partir.

L’accueil de Madame est quelque peu glacial :
– Bonjour, nous sommes sur votre ancre…
– Ah ben carrément !

Mais l’atmosphère se réchauffe rapidement et nous sommes rapidement invités à l’apéritif pour le soir : Coppa Corse et rosé ! Nous avions reconnu le bateau, basé à Port Saint Louis. Nous apprenons que le couple part pour au moins une année: Corse, Baléares, Cap Vert, Antilles et Bretagne sont au programme. Nous souhaitons bon vent à Nuages et son équipage…

Les insouciants

Alors que Nuages lève l’ancre et que nous avons démarré le moteur pour nous déplacer afin de ne pas les gêner, arrive à proximité un petit bateau à moteur avec quatre jeunes à bord.
– Jette l’ancre !
– Plouf !
Éclat de rire… De toute évidence, l’ancre est au fond, la chaîne aussi, mais rien ne pend du bateau. Deux jeunes se mettent à l’eau avec masque et tuba, observent de la surface, mais ne tentent rien. Il est vrai qu’une apnée à 7 mètres requiert un peu d’entraînement.

Christelle leur crie qu’elle ira la chercher après la manœuvre. Sans doute n’ont ils pas entendu… Ils remontent à bord et s’en vont visiblement peu affectés par la perte. Cinq minutes plus tard, Christelle et moi remontons l’ancre à la surface, avec seulement 5 mètres de chaîne…

Le sauveteur en mer

Une fois le coup de vent passé, nous retournons dans le Golfe de Calvi et nous débarquons avec notre matériel au centre de plongée de situé sur la plage. Bien que nous sentons un peu de stress, l’accueil est sympathique. Nous avons fait deux plongées vers la pointe de la Revellata. Les amateurs de gros poissons (murènes, mérous, bonites, dentis…) ne seront pas déçus. Ceux qui préfèrent la photo, le petit et la faune fixée resteront sur leur faim. Le paysage est quelque peu aride et le rythme des plongées guidées un peu trop soutenu à notre goût. En revanche, le B17 vaut le détour.

Le dernier jour, nous avons posé l’annexe sur la plage devant le club, pour embarquer notre matériel à notre retour. Tout d’un coup, voilà que Christelle repère un gars en train de traîner l’annexe sur le sable ! S’il y a bien une chose à ne pas faire avec une annexe, c’est cela ! Je cours vers lui, un sauveteur en mer, et lui demande pourquoi il fait cela.

D’après lui, les annexes sont interdites sur la plage…
– Comment savoir ? C’est affiché nulle part.
– Il faut vous renseigner Monsieur.
Je ne vais évidemment pas me battre et, finalement, je l’aide à la déplacer là où il souhaite… Néanmoins cet événement me laisse perplexe sur la nature du rôle des sauveteurs en mer. Est-ce qu’en payant ma cotisation j’aide à sauver des vies ou bien la Police municipale de Calvi ?

Le pêcheur

05/08/2012. Nous nous apprêtons à quitter le golfe de Calvi lorsqu’un plaisancier nous aborde en annexe.
– Bonjour
– Vous mangez du thon ?
– Oui. Pourquoi ?
– Voilà pour vous.
Il nous apprend qu’il vient de faire la traversée depuis les Îles de Lérins et a pêché un thon de 80 kg en route. Trois heures pour le remonter à bord ! Il vient de faire le tour des bateaux du mouillage pour faire la distribution… Nous sommes les derniers.

Nous levons l’ancre, un petit tour près du bateau de notre ami pêcheur, un petit salut, encore Merci !

Le vent

06/08/2012. La météo annonce du Sud-Ouest 2 à 4 devant fraîchir 5 à 6 l’après-midi et 7 le soir. Nous quittons donc la baie de l’Acciolu dès le matin. Mais c’est un vent d’Est force 4 à 5 qui nous attend dehors. Alors nous commençons la journée au près avec un ris dans la grand voile et plusieurs tours dans le génois.

Peu avant 11 heures, le vent mollit et nous renvoyons toute la toile. Quelques minutes plus tard le vent tourne et s’établit à l’Ouest. Encore quelques minutes et le vent monte à 20 nœuds, puis 25 nœuds, les rafales atteignent 30 nœuds. La mer est plate et Soleá fonce tout dessus à plus de 8.5 nœuds. J’adore !

Mais bien sûr, ce qui devait arriver… A la barre, je sens que le contrôle est limite et je préviens Christelle qu’on ne va pas tarder à partir au tas. A peine quelques secondes plus tard, Soleá part au lof, bôme dans l’eau. On prend trois tours dans le génois, puis un ris. Et on repart… Le vent forcit encore et les rafales atteignent 38 nœuds. Sous voilure réduite, on avance moins vite, mais c’est plus stable et plus facile à empanner. A midi, l’ancre plonge dans la baie de la Mortella dans un vent qui a franchement molli.

Les italiens

Après une matinée de navigation musclée, nous aspirons au calme… En milieu d’après midi, nous nous préparons à la baignade. Nous nous changeons à l’intérieur quand Christelle me crie : « Le mât ! » Effectivement, celui que nous apercevons par le panneau de pont ouvert parait bien prêt !

Nous n’avons pas le temps de monter sur le pont que nous entendons le choc et voyons nos feux de navigation avant voler en éclat ! Je me précipite à l’étrave en criant, bientôt rejoint par Christelle, pour tenter de repousser le bateau qui s’est mis en travers sur notre chaîne, l’arrière et le safran d’un coté, le reste de l’autre…

Leur moteur est démarré – c’est déjà ça – mais personne n’est à la barre. Pire la plupart de l’équipage reste connement assis dans le cockpit à ne rien faire pendant que Christelle et moi repoussons le bateau. Celui qui semble être le skipper me dit:
– C’est pas ma faute, c’est le vent.
– Quel vent ? il n’y a pas de vent là ! On ne mouille pas dans la posidonie !

En effet, la rafale n’a dû guère dépasser 20 nœuds… Personne ne semble correctement comprendre le Français, alors j’embraye en Anglais, mais cela ne semble pas produire plus d’effet. Et il y a toujours personne à la barre pour dégager le bateau. Là, ça commence franchement à m’énerver. Je leur crie dans toutes les langues possibles de se diriger face au vent.

Le skipper me demande de lâcher de la chaîne. Je refuse au prétexte que je ne peux pas, mais en fait c’est juste que ce serait complètement inefficace. Il semble complètement désemparé et Christelle et moi continuons à leur crier de se mettre face au vent. Après un temps qui me semble infini, et alors que je commençais à me demander si je ne devais pas sauter sur le bateau pour faire moi même la manœuvre, le skipper finit par prendre la barre et faire ce que je lui demande. Le bateau se dégage immédiatement…

Ils viendront à bord quelques temps après pour constater les dégâts. Fort heureusement une dame parle correctement l’anglais. Ils refusent de payer les feux au prix catalogue. Et nous décidons d’aller le lendemain chez le shipchandler à Saint Florent.

Là, c’est encore un autre poème. Nous sommes devant l’entrée du port à 10h30, mais la capitainerie refuse de nous laisser entrer – sauf, bien sûr, si nous avons 1000 litres de gazole à faire – Sans commentaire. Il faut dire que le flot de bateaux qui sortent est quasi continu. Nous jetons l’ancre à proximité. A 11h30, l’Italien, qui revient en annexe – est-il allé négocier ? – me dit que c’est bon. Nous nous présentons devant l’entrée.

Lui passe. Un employé du port se présente à nous en semi-rigide. Nous expliquons notre histoire et il nous demande de patienter. Pas de problème. Lui écope. Il n’en peut plus des Italiens qui sortent à fond du port… Il tente d’appeler la Capitainerie mais personne ne lui répond et il faut qu’il y aille. Pendant son absence, deux bateaux Italiens se positionnent en travers de l’entrée et rendent tout mouvement impossible. Là, ça devient franchement l’anarchie…

A midi, nous sommes enfin à quai. Si les employés permanents du port – ceux qui sortent rarement de leur bureau – ne sont pas très respectueux, les jeunes sur les quais sont très sympathiques. Comme c’est l’habitude ici, l’un d’eux nous aide à amarrer. Il sort une petite fiche, nous demande combien de temps on va rester, si on va prendre de l’eau… Nous racontons à nouveau notre histoire, expliquons que nous venons juste pour réparer et n’avons pas besoin d’eau. Il range sa petite fiche…

Trouver des feux de navigation n’est pas non plus de tout repos… Avec l’Italien, nous allons tout de suite chez le plus gros shipchandler. Nous y trouvons un feu tribord et une LED. Il règle la facture et m’avance l’argent du feu bâbord. Je ferais trois autres magasins pour le trouver…

Le temps de jongler avec les horaires d’ouverture et de réparer, nous quittons le port à 17h00. Normalement, les ports appliquent une franchise de deux heures… Nous sommes restés cinq heures, mais les jeunes sur le quai ont été compréhensifs et ne nous ont pas embêtés. Merci à eux.

Les amis

Si nous sommes revenus près de Saint Florent, c’est dans l’unique but de voir des amis qui plongent à bord de leur semi rigide. Après diverses péripéties qui ont retardé leur visite, nous pouvons enfin les recevoir à bord pour un petit café à la sortie de leur plongée. Retrouvailles sympathiques après plus de trois mois sans visite d’amis de la terre…

Le Corse

Notre rencontre involontaire avec les Italiens nous a un peu stressé et trop nombreux sont les bateaux qui mouillent dans la posidonie autour de nous. Alors Christelle va parfois faire un petit tour, à la nage, au dessus des ancres des autres bateaux.
– Bonjour Monsieur. Vous savez que votre ancre est dans la posidonie ?
– Ne vous inquiétez pas… Si je glisse, ce sera dans cette direction.
– Et bien, c’est justement là le problème, le bateau derrière, c’est le mien.
Et Christelle de poursuivre avec l’histoire des Italiens. Le gars n’en revient pas et ne tarde pas à nous inviter à à boire.

Notre nouvel ami Corse est volubile et nous fait goûter un petit muscat de sa production. Délicieux. Il nous explique que les locaux ne sont guère mieux lotis que les touristes au port de Saint Florent. Ils ne sont intéressés que par les grands yachts… Je n’ai pas osé lui dire que certains Corses avaient vendu leur âme… Nous nous quittons en fin d’après-midi. Il rentre au port.

Et puis il y a…

Nous avons à peine quitté notre hôte Corse que je fonce à la nage vers un bateau qui vient d’arriver. Lui aussi a mouillé dans la posidonie, mais je lui pardonne… Notre ami, qui navigue en solitaire, arrive de Girolata ! C’est une longue navigation et il est fatigué. Et viser une petite plaque de sable quand on est seul n’est pas chose aisée. Nous l’aiderons à remouiller un peu plus tard.

Nous l’avons rencontré à Saint Florent, retrouvé à la plage du Loto quelques jours plus tard, revu encore dans la baie de la Revellata et il nous rejoint ici en attendant la visite d’un copain.

Nous avons passé plusieurs soirées ensemble. Il y a ces rencontres qui ne se racontent pas mais se vivent… Il y a ces rencontres que j’étais venu chercher sur mon voilier…

Mots clés : Voile