Vers la Corse

10 mai 2012 par Fred

8 Mai. Depuis plusieurs jours, nous surveillons la météo entre Corse et continent. Cela semble vouloir se calmer et nous pourrions bénéficier du premier créneau vraiment favorable à la traversée, depuis notre départ de Port Saint Louis. Nous pouvons bien sûr recevoir la météo par VHF, mais pour une vision à plusieurs jours, nous pouvons avoir mieux sur Internet.

Nous débarquons donc une dernière fois sur la plage d’Antibes. Je me connecte à Internet et collecte toutes les informations météo nécessaires, côtières et au large. Le créneau se confirme. Nous devrions avoir du vent d’est, pas très favorable au début, puis le vent devrait tourner au Sud Ouest dans l’après midi et nous emmener jusqu’en Corse par vent de travers. Nous ne devrions pas avoir plus de force 4. La mer ne devrait pas être trop agitée… Parfait ! On y va !

11h00. Nous levons l’ancre. Le vent d’est force 2 est conforme aux prévisions. Nous faisons donc route directe, au près. Vers 13h30, le vent tourne au Sud-Est, pile dans la direction où bous allons. Logique… Nous virons de bord et faisons route plein sud, toujours au près. Je vais me coucher pour tenter, vainement, de faire provision de sommeil pour la nuit à venir…

14h30. Le vent tombe complètement. Nous mettons le moteur une vingtaine de minutes. Nous l’éteignons peu après car je n’ai pas l’intention de faire toute la traversée au moteur ! Le vent est au Sud-Est force 1 à 2. On se traîne… Et en plus, pas dans la bonne direction ! 16h15. Sud-Est force 1 à 2. C’est quand qu’il arrive le vent de Sud-Ouest qu’on nous a promis ? A ce train là, on va mettre trois jours ! Qu’est ce qu’on fait ? On continue ? Ou on va passer la nuit aux Îles de Lérins ? Mais je ne suis pas du genre à renoncer facilement. Et le vent va bien finir par tourner !

Vers 18h00, je suis encore au fond de ma couchette, toujours à tenter vainement de dormir et le vent est toujours au Sud-Est. Christelle m’informe qu’une vedette des douanes approche par l’arrière… La vedette ralentit, et les douaniers mettent l’annexe à l’eau. Nous sommes bons pour un contrôle. Je me lève.

L’annexe des douaniers nous aborde.
– Moi : je vais rouler le génois
– Non, non… vous pouvez conserver votre cap.

Quatre hommes montent à bord. Ça impressionne… A six dans le cockpit, Christelle ne peut plus bouger la barre. Dans la manœuvre, nous avons viré et Soleá est maintenant arrêtée, à la cape.

– Vous pouvez garder votre cap, Madame…
– Christelle: Oh non, maintenant, c’est trop tard, vous m’avez perturbée…
– Vous voulez échanger les rôles ?
– Moi : Non, non, on est très bien comme ça…
– Vous n’avez rien à déclarer ?
– Moi : Euh non rien…
– C’est la question rituelle
– Moi, comme si c’était évident : Mais vous savez, on vient de France.
– Ben, on n’est pas pas sensé savoir. Pas de somme de plus de dix mille euros à bord ?
– Moi : si vous voyiez l’état de votre portefeuille…
– C’est aussi une question rituelle…
– On vous a observé au radar… Tous ces zig zag, ça nous a intrigué. D’habitude, ce sont les contrebandiers qui font ça…
– Christelle : Vous savez, je suis novice.
– Vous venez d’où ?
– Moi : Nous sommes partis d’Antibes ce matin
– C’est votre premier jour ?
– Moi : Non, nous sommes partis de Port Saint Louis il y a un mois.
– Vous allez-où ?
– Moi : En Corse.
– On s’est dit, à cette vitesse là, c’est pas possible qu’ils aillent en Corse. Et puis, c’est pas vraiment le bon cap.
– Moi : Vous savez, avec un voilier, on ne peut pas toujours aller dans la bonne direction…
– Vous pensez mettre combien de temps ?
– Moi : Oh… Trois jours !
– Un douanier en aparté à Christelle : C’est pas trois jours que vous allez mettre, mais huit…

La conversation continue, sur un ton bon enfant, alternant sérieux et plaisanteries. Contrôle d’identité et de l’acte de Francisation, un rapide petit tour d’horizon à l’intérieur du bateau (un peu en bazar, avec la couchette de carré préparée pour dormir en navigation), et voilà que nos sympathiques douaniers repartent en nous souhaitant bonne navigation. au plaisir de vous revoir à notre retour dans quatre mois !

19h20. Après leur départ, j’ai pris la barre. J’appelle Christelle qui finit de préparer le repas. Des dauphins ! Il ne lui faut pas deux secondes pour monter sur le pont. Ils sont plusieurs et tout près du bateau… Quelques dauphins commencent à jouer avec l’étrave. Christelle fonce à l’avant, heureuse comme une enfant. Christelle tiens, toi ! Cloué à la barre, j’observe le spectacle d’un peu plus loin. Après quelques instants, il repartent. Le vent est toujours au Sud-Est…

20h00. Christelle prend son quart. Je m’apprête à prendre la météo. Elle m’appelle ! Une baleine ! J’ai vu son souffle là ! Je sors et jette un œil rapide. Merde. Ma météo… Il faut que j’y aille. Tout en prenant la météo, j’essaie d’observer la baleine par le hublot. Mais le spectacle ne dure pas longtemps… Et le vent est toujours au Sud-Est. Et la météo persiste à annoncer du Sud-Ouest…

22h20. Évidemment, je n’arrive pas à dormir… Je me lève un moment. Christelle m’annonce la bonne nouvelle… Le vent est au Sud-Sud-Ouest à force 3 et nous faisons route directe sur Calvi. Hourra ! Je retourne me coucher.

A minuit, je prends mon quart. Je n’ai pas dormi une seule minute… Mais le vent est dans la bonne direction, toujours force 3, parfois 4. Je fais quelques pointes à 6 nœuds au vent de travers. A 6h00, je rends la barre à Christelle. Nous sommes pile à mi chemin entre Antibes et Calvi. Je vais me coucher sans espoir de dormir.

A huit heures, nous apercevons les montagnes Corses. Le vent tourne parfois, mais nous permet globalement de continuer dans la bonne direction. Parfois il faiblit. Mais à l’approche de Calvi, il monte franchement force 4, puis 5 et même un petit 6, en s’orientant à l’Ouest. Ça fume à plus de 7 noeuds. A 16h00, nous jetons l’ancre dans le golfe de Calvi à quelques centaines de mètres de la citadelle.

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